L’expertise judiciaire en France
L’expertise judiciaire est un outil procédural très utilisé en France, en préalable à une action en justice, dans le domaine technique (recherche des causes et de l’étendue d’un sinistre) et financier (établir les comptes entre les parties), de préférence à une expertise amiable. Lorsqu’un litige porte sur des points techniques qui nécessitent une analyse approfondie, le juge peut en effet, à la demande des parties, désigner toute personne de son choix pour l’éclairer par des constatations, une consultation ou par une expertise (article 232 du CPC).
Dans le cas où des constatations ou une consultation ne pourraient suffire à l’éclairer, le juge peut ordonner une expertise judiciaire (article 263 du CPC).
L’expertise judiciaire est une mesure d’instruction confiée par le juge à un expert judiciaire, inscrit sur les listes de cours d’appel ou de la cour de cassation, pour procéder à des investigations complexes, en vue de lui fournir, sur des questions de fait, des précisions techniques lui permettant de trancher le litige.
Il existe des experts judiciaires dans des disciplines très variées (médecine, accidentologie, chimie, mécanique, etc).
Le système français est proche de celui que l’on retrouve dans la pratique procédurale belge. En revanche il est très éloigné du système en vigueur aux Pays-Bas, qui privilégie la comparution personnelle des parties devant le juge, qui procèdera à un interrogatoire de celles-ci.
Attention, même si le juge compétent au fond n’est pas le juge français, ce dernier retiendra en principe sa compétence dans le cadre d’un référé-expertise. En ce qui concerne l’Union européenne, il est en effet compétent, quel que soit le juge compétent au fond pour ordonner des mesures conservatoires (article 35 du Règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012).
1. La décision judiciaire ordonnant l’expertise
Une expertise peut être ordonnée avant tout procès ou en cours de procédure. Le plus souvent, cette mesure est demandée et ordonnée avant tout procès, dans la forme des référés afin de conserver la preuve de faits que le demandeur souhaite établir.
Dans sa décision ordonnant l’expertise, le juge expose les circonstances qui la rendent nécessaire, nomme l’expert, énonce ses chefs de mission et précise le délai dans lequel l’expert devra donner son avis (article 265 du CPC).
L’assignation en référé-expertise interrompt le délai de prescription de l’action du demandeur jusqu’au dépôt du rapport final de l’expert judiciaire (article 2241 CC) au profit du demandeur. Les autres parties devront faire attention le cas échéant d’interrompre eux aussi toute prescription en cours.
Lorsqu’il ordonne l’expertise, le juge fixe le montant d’une provision à valoir sur la rémunération de l’expertise (article 269 CPC), à la charge en principe du demandeur.
La participation active à la procédure de référé et particulièrement à l’audience de plaidoirie est essentielle, pour s’assurer du contenu de la mission confiée par le juge et si possible de la compétence de l’expert judiciaire qui sera désigné.
2. Les parties à l’expertise
Malgré son caractère technique, l’expertise est un acte judiciaire soumis aux règles qui régissent les procès civils. Elle doit respecter en particulier le principe du contradictoire (article 16 CPC). En pratique, cela signifie que les opérations d’expertise et les échanges avec l’expert judicaire doivent se dérouler en présence de toutes les parties au litige.
Le demandeur à l’expertise met ainsi toutes les personnes dont il juge la présence nécessaire dans la cause (par exemple tous les intervenants d’une chaîne contractuelle) afin qu’elles participent à l’expertise et qu’elle leur soit opposable. Pour sa part, le défendeur doit également veiller à mettre en cause toutes les parties contre lesquelles il pourrait éventuellement faire valoir un recours. S’il ne le fait pas, les conclusions techniques de l’expert ne pourront pas être opposées aux parties qui n’auront pas été mises en cause, ce qui peut s’avérer très problématique dans le cadre du débat juridique qui se déroulera après le dépôt du rapport.
Il est également courant en pratique qu’une partie demande à participer volontairement à l’expertise afin de pouvoir faire des demandes de vérifications techniques et/ou financières et défendre son point de vue.
3. Les opérations d’expertise
L’expert judiciaire commence généralement sa mission en convoquant l’ensemble des parties ainsi que leur avocat sur le lieu du sinistre.
Au cours de la première réunion, l’expert constate sur place l‘étendue des dommages allégués par le demandeur. Il pourra à ce moment-là formuler des premières hypothèses sur les éventuelles causes du dommage. Les parties présentes peuvent également attirer l’attention de l’expert sur certains points ou formuler des premières observations ou réserves oralement.
L’expert peut convoquer autant de réunions d’expertise qu’il estime nécessaires, pour effectuer des constations complémentaires faire intervenir un sapiteur (expert dans une autre spécialité), pour réaliser des tests techniques sur le lieu du dommage, l’ensemble des parties et leur avocat étant systématiquement convoqués.
L’expert judiciaire communique avec les avocats des parties au moyen de notes, dans lesquelles il résume tous les points qui ont été abordés et débattus. Il retranscrit également les contestations des parties et leurs observations.
Les avocats des parties communiquent avec l’expert judiciaire, au moyen de « dires », pour y exposer officiellement la position de leur cliente, obtenir une explication de l’expert judiciaire, demander des investigations complémentaires, la fourniture de pièces par une partie,…. Les dires peuvent être accompagnés de pièces ou de notes techniques, rédigées par l’expert technique qui assiste habituellement une partie, aux côtés de son avocat.
4. L’avis de l’expert judiciaire
A l’issue de ses opérations, l’expert judiciaire diffuse en général un pré-rapport, pour donner son avis sur les différents points de sa mission et recueillir les dernières réactions des parties avant de déposer son rapport final auprès de la juridiction qui l’a désigné (article 282 CPC). Attention, si un tel pré-rapport n’est pas prévu dans la mission, il n’est pas obligatoire, ce qui peut entraîner la (mauvaise) surprise de recevoir un rapport final alors qu’on estime que tout n’a pas été discuté. Et il est alors et en principe trop tard pour réagir, l’expert judicaire étant dessaisi par ce dépôt de rapport.
Les parties ne peuvent alors plus lui faire part de leurs observations ni contester son avis dans des dires. Elles pourront certes critiquer les conclusions de l’expert judiciaire dans leurs conclusions, devant la juridiction saisie, mais ne pourront plus demander d’autres investigations.
Il est important de préciser que les conclusions de l’expertise judiciaire ne s’imposent pas aux juges, qui restent libres. Néanmoins, le juge respectera le plus souvent l’avis de l’expert. C’est la raison pour laquelle il est essentiel de se faire représenter par un avocat lors de la procédure d’expertise.
Le cabinet Amstel & Seine a une grande expérience en matière d’expertises judiciaires. Nos avocats pourront vous assister dès le stade de la procédure de référé-expertise, dans la rédaction des dires et vous accompagner tout au long des réunions d’expertises. En outre, le bilinguisme de nos avocats en néerlandais permet d’assurer la clarté des échanges, parfois techniques, entre vous et l’expert. Valérie Judels et Marinka Schillings (Avocats en contentieux) seront vos avocats dédiés au sein du cabinet Amstel & Seine pour toutes vos procédures d’expertise.
Paris, le 2 juin 2020